La harangue de Gargantua terminée, on livra les séditieux qu'il avait réclamés, à l'exception de Spadassin, de Menuail et de Menuail qui s'étaient enfuis six heures avant la bataille, l'un jusqu'au col d'Agnello d'une traite, un autre jusqu'au Val de Vire et le dernier jusqu'à Logrono, sans regarder derrière lui ni reprendre haleine en chemin, à l'exception également de deux fouaciers qui moururent dans la journée. Gargantua ne leur fit pas d'autre mal que de les préposer à serrer les presses de son imprimerie récemment fondée.
Quant à ceux qui étaient morts sur place, il les fit inhumer honorablement dans la vallée des Noyrettes et au champ de Brûlevieille. Il fit panser et soigner les blessés dans son grand hôpital. Ensuite, il s'inquiéta des torts causés à la ville et aux habitants, il les fit rembourser de tous leurs dommages sur la foi de leurs dires et de leur parole et il fit bâtir un puissant château qu'il pourvut de troupes et de sentinelles pour avoir à l'avenir une meilleure défense contre les troubles imprévus.
En partant, il remercia chaleureusement tous les soldats de ses légions qui avaient contribué à la victoire et il les renvoya prendre leurs quartiers d'hiver dans leurs postes et leurs garnisons, à part quelques légionnaires d'élite qu'il avait vus accomplir certaines prouesses le jour de la bataille, ainsi que les capitaines des compagnies qu'il emmena avec lui auprès de Grandgousier.
En les voyant arriver, le bonhomme fut si joyeux qu'il serait impossible de le décrire. Il leur fit alors préparer le festin le plus magnifique, le plus copieux et le plus délicieux que l'on ait vu depuis le temps du roi Assuérus. En sortant de table il distribua entre tous la garniture complète de son buffet ; elle pesait un million huit cent mille quatorze besants d'or en grands vases à l'antique, grands pots, grands bassins, grandes tasses, coupes, pichets, candélabres, jattes, nefs, jardinières, drageoirs et autre vaisselle de même type, toute en or massif, sans parler des pierreries, émaux et ciselures qui de l'avis de tous avaient plus de prix que la matière des objets. De plus, il fit compter à chacun un million deux cent mille écus sonnants et trébuchants, pris à ses coffres ; de surcroît, il donna à chacun d'eux, à titre perpétuel (sauf s'ils mouraient sans héritiers), des châteaux et des terres du voisinage selon leur convenance : à Ponocrates il donna la Roche-Clermault, à Gymnaste Le Coudray, à Eudémon Montpensier, Le Riveau à Tolmère, à Ithybole Montsoreau, à Acamas Candes, Varennes à Chironacte, Gravot à Sébaste, Quinquenays à Alexandre, Ligré à Sophrone et fit de même pour ses autres possessions.
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